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Gaz naturel pour véhicules

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Entrevue avec Pierre-Olivier Pineau titulaire de la Chaire de recherche HEC Montréal
M.A. (PHILOSOPHIE), PH. D. (ADMINISTRATION), HEC MONTRÉAL
Professeur titulaire, HEC Montréal




Objectif hybridation dans les transports lourds


Selon une récente étude publiée par HEC Montréal, l'’électrification sera indispensable pour verdir le secteur des transports, mais le gaz naturel aura un rôle à jouer dans les camions lourds.

Changement climatique oblige, les gouvernements de par le monde encouragent la substitution de l’essence et du diesel par des carburants moins polluants. Ici et ailleurs, c’est la course à la décarbonisation du transport routier pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris signé en 2016.

En ce qui concerne les véhicules légers et moyens, l’électricité est une candidate favorite, surtout au Québec où elle provient en bonne partie de sources renouvelables (hydro, solaire, éolienne). L’adoption des véhicules électriques s’accélère d’année en année, et les bornes de chargement continuent de se multiplier – avec raison.

Mais du côté des camions lourds, c’est une autre histoire. Comme le révèle une étude publiée par la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, on ne peut électrifier de façon efficace ni économique l’ensemble des transports de marchandises au Québec. La solution optimale pour contribuer aux objectifs du Québec s’avère être l’hybridation des moteurs de camions entre plusieurs sources d’énergie.

Réalisée par Marianne Pedinotti-Castelle, étudiante au LIRIDE-Université de Sherbrooke, Pierre-Olivier Pineau, professeur titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, et Ben Amor, professeur et directeur du LIRIDE-Université de Sherbrooke, l’étude a modélisé plusieurs scénarios de réglementation du secteur des transports de marchandises pour évaluer leur effet sur l’atteinte des cibles québécoises de réduction des GES. Rappelons que celles-ci sont de -37,5 % d’ici 2030 et de -80 % d’ici 2050 par rapport aux émissions de 1990. Or, les émissions du transport de marchandises au Québec sont aujourd’hui 2,5 fois plus élevées qu’il y a trente ans.

En route vers la décarbonisation

Les résultats de l’étude sont édifiants. Dans l’éventualité où l’on se contente des mesures existantes et annoncées, incluant la Norme sur les carburants propres qui entre en vigueur en 2022, le Québec et le Canada atteindraient un décevant 25 % de leurs cibles. En ajoutant diverses contraintes réglementaires dans leurs autres scénarios, et en prenant en compte l’évolution estimée de la demande et des technologies, les chercheurs arrivent à une situation où l’on atteindrait (presque) les cibles grâce à « une forte électrification des procédés, une croissance de la bioénergie et une diminution de la consommation totale d’énergie grâce à l’efficacité énergétique ».

Ce scénario a plusieurs variantes. Dans l’une, on présume que tout ce qui peut être électrifié de façon rentable le sera d’ici 2030, soit presque tous les véhicules légers et moyens. Dans une autre, la réglementation forcerait tout le monde à s’électrifier, incluant les camions lourds (ainsi les moteurs de 12L se multiplieraient, puisqu’il n’existe pas de technologie électrique plus puissante). Les coûts bondiraient alors, et les capacités de production d’électricité aussi, en raison de la génération accrue d’électricité requise dans la province : 103 GW au total, contre 90 GW sans cette obligation (nous sommes à 45 GW aujourd’hui).

« L’électrification des véhicules légers et moyens se fait de façon inévitable avec des technologies de plus en plus dominantes. Mais dans le cas des camions lourds, ce serait difficile à gérer. Il faudrait des bornes de recharge d’une extrême puissance, et le temps de chargement imposerait des contraintes logistiques. Au bout du compte, il en coûterait deux fois plus cher de décarboniser les transports, et il y aurait davantage de capacité électrique requise », explique le professeur Pineau.

Conclusion de l’étude : une « multiplicité des technologies » sera nécessaire dans les transports lourds.

Les atouts du gaz naturel renouvelable


Les chercheurs explorent plusieurs carburants, dont l’hydrogène, qui fait beaucoup parler de lui, mais n’alimente encore aucun camion et aurait du mal à le faire d’ici 2030. Finalement, la solution optimale pour les camions 8a et 8b s’avère un moteur hybride entre l’électricité et un carburant d’appoint comme le diesel ou le gaz naturel. Idéalement, pour les GES, il s’agirait de biodiesel ou de gaz naturel renouvelable (GNR). Ce dernier est plus plausible dans la pratique, selon M. Pineau.

« L’avantage du GNR, c’est qu’il a une filière mieux établie que le biodiesel. Celui-ci est créé à partir d’huiles qui sont en quantité trop limitée pour en accroître la production. De plus, la combustion du GNR émet beaucoup moins de particules fines que celle du biodiesel. La pollution atmosphérique, ce n’est pas que les GES. »


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